En France, les accidents de la circulation en milieu urbain sont à la fois plus nombreux (2 accidents sur 3) et moins graves (en 2012 : un peu plus d’1 tué sur 4) qu’en rase-campagne.
C’est donc en milieu interurbain - où les vitesses sont plus élevées - que ce situent les plus forts enjeux de sécurité routière en nombre de vies perdues. Les accidents mortels se produisent essentiellement sur routes bidirectionnelles (deux voies, une seule chaussée) typiquement les routes départementales rurales. 2 accidents mortels sur 5 sur produisent de nuit, alors que le trafic est très faible, traduisant un sur risque important.
Les zones d’accumulation d’accidents ont largement disparu, après des actions ciblées menées dans les années 70 et 80. Depuis une vingtaine d’années, les accidents se produisent de façon diffuse, par itinéraire, sans qu’un lieu spécifique (virage, intersection) ressorte particulièrement. Les accidents graves et mortels se produisent essentiellement hors intersection, véhicule seul. Les scénarios d’accident sont multiples, mais ils font ressortir des facteurs déclencheurs ou aggravants pour lesquelles les équipements de la route peuvent apporter des solutions :
- Fatigue, distraction ou inattention du conducteur ;
- Somnolence, malaise du conducteur ;
- Perte de contrôle liée à une mauvaise appréciation de l’environnement, de la voie de circulation ou de la situation ;
- Perte de contrôle liée à une défaillance mécanique du véhicule.
1. LE BESOIN : améliorer la sécurité primaire des routes interurbaines
La sécurité primaire vise à réduire la fréquence et donc le nombre des accidents. L’amélioration de la sécurité primaire des routes secondaires passe notamment par des équipements de signalisation routière adaptés.
La signalisation routière permet de signaler les dangers, d’indiquer les règles à observer et de guider les conducteurs en matérialisant les voies de circulation, en particulier lorsque le tracé de la route présente des dangers particuliers.
2. LES PRÉCONISATION DU SER : améliorer la sécurité primaire des routes interurbaines
2.1. Utiliser des marquages sonores, pour une route qui alerte
L’étude des chiffres de l’accidentalité routière révèle que de nombreux accidents mortels sur routes secondaires se produisent avec un seul véhicule. Contrairement à une idée reçue, la plupart des accidents impliquant une voiture seule se produisent sans que la vitesse soit en cause. Le véhicule n’est pas dans la situation initiale en perte de contrôle, et des manœuvres de conduite normales seraient suffisantes pour que le conducteur puisse éviter l’accident. Pourtant, ces sorties involontaires de voie de circulation sont chaque année une cause majeure d’accidents mortels chez les automobilistes en France. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : le conducteur n’est pas en possession de tous ses moyens (fatigue, somnolence, alcool), il n’est pas concentré sur sa conduite (inattention) ou il est occupé par une tâche annexe (téléphone, GPS, enfants…).
Le départ de la voie de circulation s’effectue généralement en ligne droite sans difficulté particulière liée à la route, avec un angle de dérive faible (que le conducteur ne perçoit pas forcément) et aboutit à des sorties par la droite (sorties de route) ou par la gauche (intrusion dans la voie de circulation opposée). Dans les deux cas, les conséquences sont potentiellement très lourdes, les sorties de voie pouvant provoquer des collisions avec des obstacles latéraux ou des retournements, ainsi que des collisions sévères (latérales ou frontales) avec d’autres véhicules.
Différents systèmes existent aujourd’hui dans les automobiles modernes pour alerter le conducteur qu’il quitte sans le vouloir sa voie de circulation, reposant généralement sur la détection du marquage routier. La présence d’une signalisation horizontale en axe et/ou en rives sur l’itinéraire permet dans ce cas aux systèmes d’aides à la conduite du véhicule d’être plus efficace (meilleure sensibilité, plage de fonctionnement plus large).
Il est également recommandé d’alerter les conducteurs par des dispositifs d’alerte intégrés à la route sous forme de marquages sonores. Ces marquages sonores de type barrettes sont réalisés à l’aide de marquages routiers certifiés NF Equipement de la Route. Ils répondent ainsi à une double exigence de performances (visibilité, anti-glissance) et d’émergence sonore (hauteur minimale du profil) vérifié par des essais routiers pendant un cycle climatique complet. Les marquages sonores d’alerte conjuguent donc efficacité acoustique et visibilité de nuit, y compris par temps de pluie, leur profil permettant au système optique des barrettes d’être visible même par forte pluie.
Si les marquages sonores sont obligatoires sur autoroutes, ils seraient aussi très utiles sur routes secondaires, où leur généralisation permettrait de traiter des enjeux de sécurité routière plus grands.
2.2. Signaler les virages pour une route qui prévient
La signalisation des virages constitue un bon exemple de contre mesure pour améliorer la sécurité routière primaire par une route prévisible qui ne piège pas les usagers. Les accidents en virage sont dus à plusieurs facteurs par ordre décroissant : la différence entre la vitesse d’approche et la vitesse dans le virage, le resserrement du rayon de courbure, la lisibilité du virage, sa visibilité et sa longueur.
La lisibilité du virage indique que l’environnement doit être compréhensible rapidement et facilement pour l’usager afin qu’il puisse adapter son comportement à la situation qu’il va rencontrer. Un virage peu lisible entraîne une réaction tardive du conducteur qui n’a pas compris la manœuvre à réaliser.
La visibilité sur le virage est la visibilité en approche du virage. Moins un virage est visible en approche, et plus il est accidentogène, car le conducteur manque de temps pour adapter son comportement lorsqu’il voit le début du virage au dernier moment. Un virage peu visible en approche peut être lisible (le conducteur comprend qu’il doit tourner), mais comme il est vu tardivement, le conducteur ne dispose pas assez de temps pour adapter sa vitesse et tourner.
Visibilité dans le virage : plus le virage est long, plus il est accidentogène. L’usager doit percevoir clairement la longueur du virage afin de choisir la vitesse la plus adaptée à son franchissement. Si le virage est difficile à percevoir dans son intégralité, le risque d’erreur pour le conducteur augmente.
La signalisation des virages s’appuie donc sur une hiérarchisation des virages en quatre catégories en fonction d’une part, de la différence entre la vitesse d’approche et la vitesse dans le virage, et d’autre part de la visibilité du virage en approche. Plus la différence de vitesse entre l’approche et le virage est importante, et plus l’usager doit être en mesure de réagir pour adapter sa vitesse. De même, moins de virage est visible en approche, et plus l’usager risque d’être surpris. La solution proposée est une signalisation incorporant un dispositif plus ou moins développé, intégrant ou non un panneau de danger A1 (Virage), et le cas échéant un balisage des virages de visibilité croissante (balises J1 seules, balises J1 + balises J4 tri chevrons, balises J4 mono chevron)[1].
La lisibilité et la visibilité des virages (en approche et dans le virage) peut aussi être renforcée par la présence d’une signalisation horizontale adaptée, la présence d’une ligne axiale et de lignes de rive améliorant la perception du tracé, en particulier de nuit et contribuant à une meilleure position latérale et à une réduction de la dispersion des vitesses.
Classe de virage | Différence entre la vitesse d’approche (Va) et la vitesse en virage(Vd) | Signalisation |
Classe A |
Va - Vd < 8 km/h |
Aucune signalisation Ajouter un panneau A1 si la visibilité en approche du virage est mauvaise |
Classe B |
8 km/h ≤ Va - Vd < 16 km/h | Balises J1 et panneau A1 si la visibilité sur le virage est mauvaise |
Classe C |
16 km/h ≤ Va - Vd < 40 km/h | Panneau A1 + balises J1 + balise J4 tri chevrons |
Classe D |
Va - Vd ≥ 40 km/h |
Panneau A1 + balises J4 mono chevron dans toute la courbe |
3. LE BESOIN : améliorer la sécurité secondaire des routes interurbaines
La sécurité secondaire consiste à réduire les conséquences des collisions routières lorsqu’elles sont inévitables. Elle constitue un levier très important pour améliorer la sécurité des usagers des routes rurales.
La sécurité secondaire repose sur l’amélioration des véhicules, des conducteurs et des routes. Si des progrès considérables ont été accomplis en matière de sécurité des véhicules et d’éducation des conducteurs, d’importantes marges de progrès existent en matière d’amélioration du réseau routier secondaire.
En France, près de 2 tués de la route sur 5 décèdent après un choc contre un obstacle latéral agressif. Le traitement des obstacles latéraux sur route rural répond donc à un enjeu de sécurité routière très important. Or, si depuis 20 ans le nombre des personnes tuées dans les accidents de la route a fortement diminué, la contribution des obstacles latéraux agressifs est demeurée stable, oscillant entre 35 et 40% des tués selon les années.
Les obstacles latéraux sont innombrables et comprennent un grand nombre d’objets : les arbres, les accotements non franchissables (fossés, talus, parois rocheuses), les ouvrages (murs, piles de pont, parapets), les équipements (poteaux électriques et télécom, signalisation, mobilier urbain), les aménagements routiers (bordures, îlots), les véhicules en stationnement, mais aussi les glissières métalliques et glissières béton.
En France, les données disponibles sur les obstacles fixes[2] confirment que les arbres représentent de loin la première source de tués (29.1% en 2011), représentant :
- environ deux fois plus de victimes que les accotements continus non franchissables (16%),
- environ 2,5 fois plus de victimes que respectivement les ouvrages d’art et équipements routiers annexes (13.5%), les équipements et réseaux divers (12.9%),
Arbres, accotements continus, ouvrages d’art et équipements divers représentent plus de 2 tiers des tués sur obstacles latéraux. Les différentes étapes du traitement des obstacles latéraux sont, par ordre de préférence :
- supprimer l’obstacle,
- éloigner l’obstacle de la chaussée,
- rendre l’obstacle moins agressif
- isoler l’obstacle des voies de circulation par l’installation d’un dispositif approprié (glissière ou barrière de sécurité, atténuateur de choc).
Supprimer ou déplacer l’obstacle n’est pas toujours possible pour des raisons multiples. Si les plantations d’arbres d’alignement situées près des chaussées représentent ainsi un risque élevé, leur suppression est rarement envisagée en raison de l’attachement de la population, d’associations ou de leur caractère historique ou esthétique (conservation du patrimoine). Leur déplacement est rarement possible, techniquement ou économiquement. De même, les accotements non accueillants (fossés, talus, parois rocheuses) et les ouvrages d’art (murs, piles de pont, parapets) ne peuvent généralement pas être supprimés ni déplacés. Les équipements divers comme les poteaux électriques et télécom, la signalisation et le mobilier urbain répondent aux besoins des territoires et des infrastructures. Les supports d’énergie et de communication ont été installés à une période, l’Entre-deux Guerres, où les pratiques de mobilité routière étaient très différentes et les enjeux de sécurité moins forts.
4. LES PRÉCONISATIONS DU SER : améliorer la sécurité secondaire des routes interurbaines
Le SER préconise d’améliorer le traitement des obstacles sur les routes interurbaines. Pour cela, une solution rapide consiste à installer des dispositifs de retenue pour isoler davantage d’obstacles latéraux agressifs situés aux abords des voies de circulation.
L’utilisation des supports à sécurité passive constitue également une possibilité pour traiter certaines familles d’obstacles latéraux, en particulier lors des opérations de maintenance ou de renouvellement d’équipements.
4.1. Isoler les obstacles par des glissières pour protéger les usagers
Les dispositifs de retenue routiers (glissières de sécurité) constituent une solution souple et efficace pour limiter la gravité des chocs subis par un véhicule quittant la chaussée, en présence d’obstacles à proximité des voies de circulation.
L’installation de glissières et barrières de sécurité pour isoler les obstacles latéraux est même la solution de référence lorsque les obstacles ne peuvent pas être supprimés, déplacés ou fragilisés, ce qui est souvent le cas sur les routes rurales existantes à deux voies de circulation (routes bidirectionnelles).
En France, la décision d’installer un dispositif de retenue routier sur routes secondaires relève du maître d’ouvrage. A cette fin, celui-ci doit réaliser une étude de sécurité qui repose sur une analyse de la configuration de la section de voie traitée. Sont pris en compte la probabilité d’accidents, les gains escomptés de sécurité, les conséquences pour les usagers et les tiers, les contraintes d’exploitation et les conséquences de l’aménagement envisagé au vu des contraintes de sécurité.
Dans le cas où cette étude conduit à l’installation d’un dispositif de retenue, le choix du niveau de performance dépend de cette étude et doit respecter les minima fixés par l’arrêté RNER en fonction de la vitesse maximale autorisée, de la typologie du trafic et des caractéristiques géométrique de la route et de ses abords.
Les critères de choix pour l’installation d’une glissière de sécurité sont par ordre d’importance :
- le niveau de retenue du dispositif (le dispositif doit être en mesure de retenir le véhicule, d’empêcher tout franchissement),
- la largeur de fonctionnement du dispositif doit être compatible avec la distance à l’obstacle saillant (le véhicule ne doit pas heurter l’obstacle saillant lorsque le dispositif de retenue se déforme), des dispositions spécifiques s’appliquant en cas de dénivelé (déflexion dynamique) et en cas de véhicule lourd (zone d’isolement)
- l’indice de sévérité (ASI) du dispositif de retenue.
4.2. Rendre les obstacles latéraux moins agressifs
Certains équipements utiles à l’exploitation et à la sécurité des routes peuvent représenter un risque lorsqu’ils sont installés à proximité des voies de circulation. C’est le cas par exemple des panneaux de police ou de direction, montés sur des supports métalliques qui doivent résister à des forces mécaniques importantes (résistance au vent) et qui sont ancrés dans le sol dans des massifs en béton. L’utilisation de supports à sécurité passive permet au mât ou à la potence du panneau de rompre de façon contrôlée sans transmettre d’énergie excessive au véhicule percuteur. Ces dispositifs fusibles réduisent considérablement l’agressivité de ces obstacles, même pour les panneaux directionnels de grande taille. Les supports fusibles peuvent en outre dispenser l’installation de dispositifs de retenue additionnels quand ceux-ci n’ont pas d’autre vocation que de protéger l’équipement de signalisation.
[1] SETRA (2002), « Comment signaler les virages ? Signalisation verticale –Guide Pratique », CETE Normandie Centre
[2] La Sécurité Routière (2013), La sécurité routière en France, Bilan de l’accidentalité 2012, ONISR