Le Syndicat des Equipements de la Route était présent aux Journées Techniques Routes 2016, organisées par le CEREMA, l’IFSTTAR et l’IDRRIM. Au travers de plusieurs interventions, le SER a animé une session intitulée « Assurer la visibilité et lisibilité de la route pour la mobilité des usagers d’aujourd’hui et de demain ».
Rendre la route visible et lisible : un enjeu pour les conducteurs séniors
Claude Marin-Lamellet (IFSTTAR) et Julien Vick (SER) sont intervenus pour rappeler les enjeux d’une route lisible et visible pour les conducteurs seniors. Pour eux, conduire reste le moyen de préserver un lien social et intergénérationnel. Pour maintenir les séniors sur la route, trois défis sont à relever. D’abord, comprendre les difficultés vécues par les conducteurs âgés et le sentiment d’insécurité routière engendrée par l’âge. Le laboratoire épistémologique de l’IFSTTAR a ainsi démontré que, à choc égal, les conducteurs âgés étaient plus vulnérables, en raison du vieillissement physiologique. Moins visible, la route est donc plus dangereuse pour nos aînés. Le second défi consiste à analyser les facteurs d’insécurité routière. Pour repérer les situations de conduite les plus difficiles à gérer pour les séniors, l’IFSTARR a mené une étude auprès de 76 conducteurs, âgés de 74 ans en moyenne. L’observation de leur conduite en milieu urbain et péri-urbain a révélé que le franchissement des intersections, le « tourne à gauche », et la négociation des ronds-points étaient les situations les plus complexes. Sur les voies rapides, les conducteurs seniors sont aussi moins agiles dans les insertions et les sorties de route, avec des temps de décision plus longs, générant aussi des incompréhensions pour les autres usagers de la route. Améliorer la sécurité des conducteurs séniors passe donc par l’adaptation des infrastructures afin de rendre la route plus visible et plus lisible. Mais aussi par l’implication de l’ensemble des acteurs liés à la route ou proches des personnes âgées : les médecins, les associations et les clubs de personnes âgées, les moniteurs d’auto-école, ainsi que les constructeurs automobiles. L’objectif : mieux prendre en compte les besoins spécifiques des seniors pour trouver ensemble des solutions adaptées.
Entretenir le patrimoine des équipements de la route
Jean-Luc Vincent (SAR/SER) et Thierry Launois (Lacroix City/SER) ont rappelé la nécessité d’engager une véritable politique de maintenance du patrimoine des équipements de la route, pour garantir la visibilité et la lisibilité. Si la signalisation routière joue un rôle essentiel dans la sécurité des usagers de la route et de la rue, 40% des panneaux présents sur les routes de France ont dépassé leur durée de vie et ne sont donc plus conformes. La majorité des panneaux ont entre 15 et 19 ans alors qu’ils sont conçus pour garantir une performance optimale pendant 7 à 12 ans. Même constat pour la signalisation horizontale, puisque 50% du marquage au sol est estimé non-conforme aux performances minimales de certification. Une dégradation du parc qui remet en cause la lisibilité de la signalisation et donc la sécurité des usagers : selon l’étude Opinion Way réalisée pour le SER en septembre 2015, 69% des Français jugent que le manque de lisibilité de la signalisation routière est le 4ème facteur d’insécurité sur la route. Pourtant, l’entretien des équipements de la route est bien un enjeu pour l’arrivée de la route intelligente : pour être véritablement autonomes et rouler en toute sécurité, les véhicules de demain auront besoin de lire la signalisation routière. Face à la dégradation de la signalisation routière, il devient donc urgent d’engager une véritable politique de maintenance du réseau. L’objectif : mieux entretenir le patrimoine des équipements de la route pour garantir sa visibilité et sa lisibilité. Cette démarche consiste d’abord à hiérarchiser puis inventorier le patrimoine existant, afin de mesurer les performances de la signalisation, et d’envisager un éventuel remplacement.
STI-Coopératifs : les équipements de la route comme infrastructures communicantes
Ludovic Simon (CEREMA) est revenu sur les enjeux et les bénéfices des STI-coopératifs pour la sécurité routière. Les STI-coopératifs (ou véhicules communicants) sont des systèmes qui permettent de partager des communications et des informations entre les véhicules et des infrastructures connectées. On recense aujourd’hui plus d’une centaine d’applications, réparties en trois grandes catégories : les applications qui améliorent la sécurité routière, celles qui permettent d’optimiser la gestion du trafic routier, et celles qui offrent plus de confort et de services au conducteur. Grâce à la connexion entre le véhicule et des infrastructures présentes en bord de route, les STI-coopératifs permettent aux conducteurs d’être informés et alertés en temps réel sur l’état ou les dangers de la circulation : signalétique embarquée, affichage des limitations de vitesse, accident, obstacle sur la voie, conditions météorologiques, évitement d’impact, service d’urgence embarqué etc. En s’appuyant sur de nombreux exemples concrets, Ludovic Simon a rappelé que les équipements de la route existants peuvent être utilisés comme interface de communication et de gestion des données : généralement interconnectés et supervisés, les panneaux à message variable, les capteurs de trafic, les stations de comptage ou les stations météo peuvent parfaitement assurer le rôle d’infrastructure communicante. Il reste cependant certains points à résoudre pour garantir le déploiement des STI-coopératifs, en particulier dans le domaine juridique et normatif ainsi que dans les modes de coopération entre gestionnaires de route et constructeurs automobiles. Plusieurs projets menés en France (SCOOP@F) et au niveau européen (EU EIP, C-ROADS) sont en cours pour apporter des réponses à ces enjeux.
Aider les usagers par le véhicule intelligent et autonome
Igor Demay (PSA Peugeot Citroën) a fait un point sur l’avancée des constructeurs automobiles dans le domaine du véhicule autonome. Pour renforcer la sécurité des conducteurs, les véhicules disposent déjà de multiples outils d’aides à la conduite, tels que le régulateur de vitesse, l’assistance au maintien dans la voie de circulation, ou encore le freinage d’urgence assisté. Les véhicules intègrent également de nombreux capteurs (caméras, radars ultra-sons, cartographie …) pour s’intégrer progressivement dans les systèmes STI-coopératifs. Pour autant, s’il existe bien des prototypes de véhicules autonomes sans supervision du conducteur (Volvo, Audi) il reste encore un long chemin à parcourir pour voir apparaître des véhicules entièrement automatisés. Car la lecture de la route, et en particulier celle de la signalisation routière, est l’un des enjeux du véhicule intelligent : en effet, pour permettre la circulation du véhicule autonome, la signalisation horizontale et verticale doit être lisible (suffisamment contrastée et bien entretenue), compréhensible (intégrer la signification des standards de signalisation locaux et nationaux), et interopérable (signification homogène d’un pays à l’autre). Pour rendre le véhicule de demain entièrement autonome, les constructeurs automobiles ont donc besoin d’une connaissance fiable des caractéristiques des équipements de la route et d’une bonne cartographie des performances.
Ausculter le patrimoine routier : un enjeu pour la visibilité et la lisibilité de la route
Eric Dumont (IFSTTAR) a ensuite pris la parole pour rappeler la nécessité de mener une politique d’auscultation du patrimoine routier afin d’améliorer lisibilité et la visibilité de la route. En effet, en situation de conduite, le conducteur doit lire, comprendre et intégrer simultanément de nombreuses informations visuelles : appréhender le paysage routier, lire des panneaux de signalisation, visualiser le marquage au sol … : pour faciliter la compréhension rapide de ces multiples données, il est donc indispensable d’assurer la visibilité de ces informations (disponibilité des informations) et leur lisibilité (pertinence des informations). Plusieurs outils permettent actuellement d’évaluer la photométrie des surfaces routières, tels que COLUROUTE pour la chaussée ou encore ECODYN pour le marquage au sol. L’outil d’imagerie CYCLOPE, quant à lui, permet de mesurer la photométrie des scènes routières, en mettant en évidence le niveau de visibilité et le degré d’éblouissement subi par le conducteur. D’autres outils, comme IRCAN et le logiciel IREVE permettent d’ausculter la signalisation routière et de mettre en place une segmentation d’itinéraires adaptée. L’exploitation coopérative des données ainsi recensées sont des outils précieux pour mieux comprendre les liens entre caractéristiques routières et comportement des usagers … et améliorer durablement la sécurité sur la route.
IRCAN© et IREVE© : des outils innovants pour ausculter l’état de la route
Enfin, Valérie Muzet (CEREMA) a présenté le véhicule IRCAN et son logiciel embarqué IREVE. Ces outils innovants, qualifiés par l’IFSTTAR depuis juin 2014, permettent de réaliser un diagnostic et une auscultation précise de la route et de son environnement. Le principe est simple : la caméra embarquée filme la route au fur et à mesure de la progression du véhicule. Les images ainsi enregistrées peuvent ensuite être analysées, permettant de faire un relevé précis de la route et de ses infrastructures. Les données géo-localisées offrent ainsi une vision exhaustive de la réalité du terrain, très précieuse pour réaliser des études de sécurité : relevé des obstacles et de leurs distances par rapport à la chaussée, présence de glissières et évaluation de leur hauteur, présence de fossés, ou encore conformité des dispositifs avec la règlementation … Ces outils, issus de la recherche, ont été déployés au sein des Conseils départementaux et sont mis à la disposition des DIR.