28 octobre 2022 – Déjà très fragilisés par la hausse des matières premières, les équipementiers de la route prennent de plein fouet la flambée de l’énergie. Contraints par des clauses de révision très restrictives, ils ne peuvent répercuter l’ensemble de ces hausses sur le prix final. Et s’inquiètent aujourd’hui pour la pérennité de leur secteur qui pèse 6 000 emplois.
Des hausses en cascade
Depuis deux ans, les équipementiers de la route font face à des hausses sans précédent du prix des matières premières en raison de la crise du Covid qui a désorganisé toute la chaîne de production et entraîné des pénuries partout dans le monde.
L’aluminium a doublé en l’espace de deux ans, avec un taux historique de 3 983 $ la tonne en mars 2022 au London Metal Exchange.
Même tendance haussière sur le cours de la bobine d’acier laminé à chaud dont le prix s’est envolé de 500 € la tonne avant la crise à plus du double en janvier 2022. Le zinc utilisé pour la galvanisation à chaud a augmenté, lui, de 50 %.
Des factures d’énergie doublées
Alors que les cours des matières premières commencent à peine à se détendre, les industriels font face aujourd’hui à une hausse conséquente de l’énergie en raison de la guerre en Ukraine.
Face aux incertitudes géopolitiques, le cours du gaz a connu un premier bond en avril, avec la menace d’un embargo sur le pétrole russe, puis un second début septembre lorsque la Russie a interrompu les livraisons de gaz vers l’Europe. Sur le marché de gros, le prix du MWh de gaz est passé d’une fourchette de 50 à 100 € en 2021 à 250 à 300 € en octobre 2022, avec des pointes au-dessus de 700 € dans le courant du mois de septembre.
Sur l’électricité, dont le cours est corrélé à celui du gaz, la situation est tout aussi tendue. Touché par la guerre en Ukraine, le secteur subit également la mise à l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires pour raison de sécurité qui prive la France d’une bonne partie de son électricité nucléaire. Globalement, la facture d’électricité des industriels a augmenté de 60 % en 2022. Début 2023, beaucoup d’entreprises vont devoir renouveler leurs contrats d’approvisionnement avec des hausses dépassant les 50 %.
Des process de fabrication gourmands en énergie
Une situation intenable pour une industrie qui consomme énormément de gaz et d’électricité.
La galvanisation à chaud, par exemple, nécessite des fours chauffés à 450° pour maintenir le zinc en fusion. Dans ce process, la consommation de gaz est incompressible.
Même contrainte pour les plaques émaillées qui requièrent une température de 820° dans les fours pour l’application de l’émail.
Pour la réalisation des panneaux routiers, les process tels que le poudrage polyester pour les mâts ou le traitement de surface nécessitent des montées en température.
Les industriels cherchent des parades, comme le passage au travail de nuit pour consommer l’électricité en heure creuse, mais celui-ci est mal accepté socialement.
Dans un souci de sobriété énergétique, ils travaillent depuis plusieurs années déjà à la réduction de leur consommation énergétique, en modifiant si nécessaire leurs process de fabrication. Aujourd’hui, leur marge de manœuvre est très réduite.
La théorie de l’imprévision peu adaptée
La théorie de l’Imprévision, applicable lorsque des circonstances économiques imprévisibles et extérieures aux parties liées affectent l’exécution du contrat, permet de modifier le contrat ou de conclure une convention d’indemnisation afin de dédommager partiellement le titulaire du préjudice lié au bouleversement temporaire de l’équilibre économique.
Mais le calcul des indemnités s’avère très complexe à mettre en œuvre, vu la diversité des produits fabriqués (mâts de support, peintures, panneaux de signalisation, régulation de trafic).
Faute d’index INSEE applicable à l’énergie, c’est à l’industriel de calculer la part d’énergie nécessaire à la fabrication de chaque produit. Une tâche particulièrement ardue pour l’électricité, dont le prix de vente fluctue selon l’heure de la journée ou la période de l’année.
Les entreprises qui ont entrepris de telles demandes ont obtenu un taux de recouvrement de 30 à 40 % à peine au terme de démarches extrêmement longues.
Pas de bouclier tarifaire
Contrairement à l’Espagne qui a limité la hausse de l’électricité grâce à un mécanisme d’imposition spécifique sur les fournisseurs d’énergie, la France n’a mis en place aucun bouclier tarifaire pour les entreprises.
Si les particuliers ont été très tôt protégés des hausses erratiques, les industries, elles, paient leur énergie au tarif plein. Une situation jugée intenable !
« À peine remis du choc des matières premières, nous avons à encaisser une nouvelle crise de l’énergie. Aujourd’hui, la survie de nos entreprises est en jeu, et avec elle, les 6 000 emplois du secteur », déplorent les équipementiers de la route.
Seule issue : la révision des prix accompagnée d’une suppression des clauses butoirs.
Une nouvelle circulaire ministérielle
Le 29 septembre, la Première ministre Élisabeth Borne a publié une circulaire visant à sensibiliser les collectivités locales et leurs établissements publics aux difficultés rencontrées par les entreprises face aux hausses de prix exceptionnelles de certaines matières premières.
Elle rappelle « l’obligation de prévoir des prix révisables pour de nombreux marchés publics afin d’assurer une relation équilibrée entre acheteurs et prestataires, en particulier dans les contrats s’exécutant sur plusieurs années ».
« Par ailleurs, afin que les clauses de révision de prix puissent refléter fidèlement les variations des coûts réellement subies, je vous demande de veiller à ce que les contrats conclus par vos services ne prévoient pas, sauf exception, de terme fixe au sein de la formule de révision de prix et ne contiennent pas de clause butoir », insiste la Première ministre.
Un dialogue constructif
Pour les contrats en cours, les équipementiers de la route espèrent un dialogue fructueux avec les collectivités locales afin de répercuter ces hausses de charges sur leur prix, faute de quoi ils travaillent souvent à perte.
L’année 2023 s’annonce très difficile avec des prévisions de hausse de l’énergie importantes qui auront nécessairement un impact sur les matières premières comme l’acier et l’aluminium.
La hausse exceptionnelle de 320 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement des collectivités locales prévue dans le projet de loi de finances va donner un peu d’oxygène à celles-ci, mais leur budget demeure très contraint. Faute de visibilité, certaines reportent déjà leurs commandes de signalisation et de régulation de trafic.
Une situation très alarmante pour les équipementiers de la route.
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