Avril 2022 – Les fabricants de matériel de signalisation verticale sont confrontés à une situation totalement inédite.
Depuis le début de l’année, le cours de l’aluminium a augmenté de 30% pour atteindre, le 8 mars 2022, le taux historique de 3983 $ la tonne au London Metal Exchange (LME) auxquels s’ajoutent les coûts de transformation (ou valeur ajoutée), notamment la prime billette pour les profilés qui est passée de 500 USD/tonne à plus de 1800 USD/tonne dernièrement. Au total, le métal a quasiment doublé de prix en deux ans. Du jamais vu sur le marché des matières premières, même lors de la crise financière de 2008. A l’époque, la tonne d’aluminium avait atteint 2300 $ pour retomber à son prix d’origine quelques mois plus tard.
Une première hausse liée à la pénurie post-covid
Cette fois, l’envolée semble durable, ce qui inquiète fortement les industriels du secteur. Les premiers frémissements sont apparus lors de la pandémie de Covid-19. En mars 2020, suite au confinement décrété par de nombreux pays, la demande s’est brutalement tassée. Les délais d’approvisionnement en aluminium se sont allongés, et les flux venant d’Asie drastiquement réduits.
Au sortir de la crise du Covid, les fonderies d’aluminium ont été relancées. Mais le décalage entre la reprise de production et le redémarrage rapide de l’économie mondiale a provoqué un effet de pénurie et une première hausse des prix.
Des besoins mondiaux en forte croissance
Au-delà de la pandémie, les difficultés d’approvisionnement sont devenues structurelles en raison d’une demande en constante hausse dans le monde ; au cours du premier semestre de 2021 elle a augmenté de 10%.
Deux secteurs industriels alimentent cette demande : l’automobile et le BTP.
L’essor des voitures électriques implique en effet le remplacement de l’acier par de l’aluminium afin de compenser le poids des batteries. Quant au secteur du bâtiment, il a recours de plus en plus aux huisseries en aluminium.
Face à cette forte demande, l’offre s’est réduite d’autant plus que, Pékin ayant fixé des objectifs de consommation énergétique aux différentes provinces du pays, cela a réduit d’autant les capacités du premier producteur mondial.
Aujourd’hui, la Chine, qui était exportatrice, est devenue importatrice et devrait le rester durablement. En 2021, ses importations ont augmenté de 60%, déstabilisant le fragile équilibre des approvisionnements mondiaux. Pour leurs achats, l’Europe et les Etats-Unis se retrouvent en concurrence avec la Chine, ce qui créé une tension sur les prix. La mise sur le marché par Pékin d’un stock d’aluminium issu de ses réserves stratégiques nationales n’a pas suffi à contenir les cours du métal.
Explosion du coût de l’énergie
De leur côté, les Occidentaux ont également été contraints de réduire leur capacité de production face à l’explosion du prix de l’énergie (+40% en un an) qui rentre à hauteur de 40% des coûts de production. Plutôt que produire à perte, plusieurs producteurs ont préféré réduire la voilure. L’américain Alcoa vient de mettre à l’arrêt pour deux ans sa fonderie espagnole de San Ciprian en raison « des prix exorbitants de l’électricité ». Son redémarrage n’est prévu qu’en janvier 2024. Cette situation est similaire sur les autres producteurs européens.
Les fabricants de matériel de signalisation verticale sont donc confrontés à des difficultés d’approvisionnement sans précédent. Certains disposent encore de stocks pour quelques mois mais se montrent très inquiets pour l’avenir.
Depuis fin février, le conflit en Ukraine est venu assombrir encore le tableau, avec un risque de pénurie d’alumine, la matière première utilisée pour fabriquer l’aluminium. RUSAL, deuxième producteur mondial, a dû stopper ses livraisons d’alumine à la Russie depuis son usine de Nikolaïev en Ukraine, en raison des difficultés logistiques sur la mer Noire. L’usine approvisionne les trois principales fonderies d’aluminium russes.
L’embargo sur le métal russe ajoute une tension extrême sur ce marché ; la France important 33% de son aluminium de Russie.
Dans ce climat d’incertitude, le prix de l’aluminium devrait rester à des niveaux historiquement élevés. Surcoûts qui sont impossibles à absorber pour les industriels de la signalisation verticale ; la profession réalisant de faibles marges.
Des garde-fous juridiques existent
Le Code de la Commande Publique prévoit « qu’un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque [...] les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ».
Par ailleurs le juge administratif accepte, lors de difficultés rencontrées par les fournisseurs dans les fluctuations des prix, de faire application de la théorie de l’imprévision.
Celle-ci nécessite que les événements affectant l’exécution du contrat :
- Soient imprévisibles : ce peut être des phénomènes naturels, ou circonstances économiques qui ne sont raisonnablement pas prévisibles.
- Soient extérieurs aux parties liées.
- Ne doivent pas être irrésistibles, auquel cas ils seraient alors qualifiés de force majeure.
- Bouleversent substantiellement l’économie du contrat, ce qui est le cas dans ce dossier.
- Soient temporaires. Ce dernier critère s’applique ici, même si l’issue de la crise n’est pas prévisible.
L’appui de Matignon
En mars 2022, le Premier ministre a publié une circulaire relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières.
Il demande aux collectivités locales et à leurs établissements publics :
- La modification des contrats de la commande publique en cours, lorsqu’elle est nécessaire à la poursuite de leur exécution.
- L’application de la théorie de l’imprévision aux contrats administratifs.
- Le gel des pénalités contractuelles dans l’exécution des contrats de la commande publique.
- L’insertion d’une clause de révision des prix dans tous les contrats de la commande publique à venir.
- Le traitement de difficultés analogues dans les contrats de droit privé.
Le Syndicat des Equipements de la Route (représentant + 6000 emplois « made in France ») sur le territoire appelle les donneurs d’ordre à utiliser ces leviers pour nous aider car « la pérennité de nombreuses entreprises ainsi que l’emploi de leurs salariés » sont en jeu et « par voie de conséquence la continuité même des services publics ».
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Julien VICK – Délégué Général (06 80 96 77 48)
Adeline CALVAT – Chargée de mission Partenariats et Communication (06 44 13 45 45)